comment les bateaux-mouches s’adaptent quand la Seine déborde


Face à l’humeur changeante du fleuve, les compagnies de croisière touristique de Paris sont devenues des expertes du plan B. Même si elles naviguent parfois à vue…

Particulièrement dévastatrices en Seine-et-Marne, les pluies intenses de la dépression Kirk ont aussi laissé leur empreinte sur la capitale. Mercredi 9 octobre, Météo France a placé Paris en vigilance jaune pour risque de crue, en raison d’une hausse du niveau de la Seine à 2,72m. Conséquence directe : les quais étaient fermés jeudi soir. Pour la journée de vendredi, les prévisions faisaient état à 10h d’un niveau de 2,84 à 3,45m, avec un pic prévu dans la nuit. Cette crue, «modérée mais inhabituelle pour la saison» selon Météo France, n’est pas sans conséquence pour les dizaines de bateaux de tourisme qui naviguent chaque jour sur le fleuve.

En cas de phénomène majeur – plus de 4m30 de hauteur de la Seine -, la question ne se pose pas : la navigation est tout simplement suspendue. Cela a été le cas en avril dernier, avec les conséquences financières que l’on imagine pour les croisiéristes. Cette fois-ci, rien de tel. «Compte tenu des niveaux d’eau dans le cadre du passage de la tempête Kirk, la Seine est soumise à certaines restrictions de navigation dans Paris au niveau des bras Marie et Monnaie, mais à aucun arrêt de navigation. Des arrêts de navigation ont été pris sur une partie de la Marne, où le seuil maximal des eaux navigables a été atteint», confirment au Figaro les Voies navigables de France (VNF), l’établissement public qui gère 80% du réseau. Le reste du temps, il faut s’adapter. «On est habitués à gérer ces dernières années», confie Julie Devernay, directrice adjointe des Vedettes de Paris, compagnie qui opère des croisières commentées et des dîners sur la Seine depuis 1976. «Les équipes sont formées et la marche à suivre est claire.» 

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Première mesure qui s’applique quand l’eau grimpe : fermer les étages supérieurs pour éviter tout accident lorsque les embarcations passent sous les ponts. «La réglementation impose 50 cm de battement entre le point le plus haut du navire et le pont» pose Alain Ferracani, directeur général d’Esprit Seine, qui possède la Compagnie des bateaux à roue et surtout les Vedettes de la Seine, dont les dîners croisières ont lieu tous les jours de la semaine avec trois ou quatre rotations quotidiennes. En cas de crue plus importante, la compagnie peut aussi décider de modifier les itinéraires de promenade. «On peut raccourcir les parcours : soit s’arrêter à la Passerelle des Arts, soit, encore plus court, aller jusqu’aux Invalides et revenir sur nos pas», détaille Julie Devernay. 

«On navigue à vue»

Le Pont au Change et le Pont Notre-Dame en mars 2024.
CHRISTOPHE DELATTRE / AFP

Outre les dangers liés au passage des ponts, le fort débit d’eau à l’origine du phénomène de crue rend le simple fait de naviguer très périlleux. Mercredi, il a atteint 900m3/s (contre 250 en valeur annuelle moyenne). Les compagnies qui le peuvent privilégient des bateaux plus petits, les plus faciles à manœuvrer. Mais le scénario le plus redouté pour les Vedettes de Paris reste le débordement à quai, qui nécessite un déménagement des installations. «On a été limite, limite cette année. On avait même commandé une grue ! Finalement nous n’en avons pas eu besoin», raconte la directrice adjointe. 

Si la marche à suivre est bien établie, reste que les changements doivent souvent se faire dans l’urgence, ces situations étant par nature très difficiles à prévoir. «Mercredi on a pris un mètre de hauteur d’eau en quelques heures, alors on ajuste vraiment heure par heure et minute par minute en suivant les informations de Vigicrues. » Le directeur d’Esprit Seine abonde : «Sans mauvais jeu de mots, on navigue à vue.» D’autant plus que ces situations exceptionnelles tendent à devenir la norme, compliquant le quotidien des mariniers. De l’avis général, 2024, avec ses records de pluie, a été une année particulière. Julie Devernay se remémore : «La préparation des JO a été très compliquée à cause de ça. Il a même plu le 26 juillet ! Et là avoir une crue au mois d’octobre c’est du jamais-vu». 

Là il y a trop d’eau mais il peut aussi y en avoir trop peu demain

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Un terme revient dans les discours, au détour d’une phrase, sans jamais le pointer directement : réchauffement climatique. Et cela va dans les deux sens : «Là il y a trop d’eau mais il peut aussi y en avoir trop peu demain. Ça a été le cas à l’été 2022 par exemple», rappelle-t-on aux Vedettes de Paris. Face à ces aléas, les croisiéristes se diversifient, développent d’autres activités à côté, misent sur les saisons les moins risquées.

Pour ce week-end, les professionnels semblent pour l’heure optimistes. «Le pic de crue est prévu en fin de nuit puis il devrait y avoir une décrue progressive», prévoit Alain Ferracani. Le week-end, qui représente le gros de leur chiffre d’affaires, devrait donc se dérouler sans encombre… Sauf s’il se remettait à pleuvoir fort. Difficile d’anticiper les caprices d’un fleuve. 


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