«On va diminuer l’accès des Français aux vacances», alertent Jean-Virgile Crance et les professionnels du tourisme


EXCLUSIF – Budget 2025 : le président de la Confédération des Acteurs du Tourisme dénonce une avalanche de taxes potentielles qui menace l’accès aux vacances des Français et fragilise un secteur déjà éprouvé.

Le tourisme français est en ébullition. Une nouvelle fois, le gouvernement sort la calculette et s’apprête à alourdir la barque fiscale d’un secteur qui peine déjà à garder la tête hors de l’eau. « La coupe est pleine ! », s’inquiète Jean-Virgile Crance, président de la Confédération des Acteurs du Tourisme (CAT), qui rassemble près d’une vingtaine de fédérations ou organisations professionnelles représentant un million de salariés et 70. 000 entreprises,  lors d’un entretien exclusif au Figaro.

Une fiscalité qui étouffe le tourisme

Dans le viseur de Jean-Virgile Crance, une série de mesures fiscales prévues dans le projet de loi de finances 2025. Outre la contribution d’un milliard d’euros imposée au transport aérien (lire plus bas), une véritable pluie de taxes s’abat sur le secteur : augmentation de la taxe de séjour avec une taxe additionnelle régionale, taxes sur la consommation d’eau touristique, sur la sécurité civile, sur les navires de croisière… «Il faut remettre à plat la fiscalité du tourisme. Arrêter de superposer les taxes, arrêter d’accepter l’inacceptable», martèle-t-il.

S’ils étaient votés, ces dispositifs auraient des conséquences directes sur le porte-monnaie des vacanciers. «On va diminuer mécaniquement l’accès des Français aux vacances, ce qui va à l’encontre des vacances pour tous ! Dans cette période anxiogène, les Français ne veulent pas les sacrifier et ils en ont besoin», insiste le premier adjoint de la mairie de Saint-Malo. 

« L’Espagne devient le grand gagnant européen du tourisme»

Le constat est sans appel. « Quand on cumule le tout, c’est trop et c’est le consommateur qui va payer, prévient Jean-Virgile Crance. Face à cette hausse des coûts, les professionnels n’ont que deux options : répercuter ces charges sur les prix, au risque de voir les clients choisir une autre destination, ou rogner sur leurs marges, déjà minces. Une situation intenable alors que les charges ont déjà explosé depuis le Covid. »

Pendant que la France s’enlise dans les taxes, nos voisins espagnols tirent habilement leur épingle du jeu. «L’Espagne devient le grand gagnant européen de l’économie du tourisme en montant en gamme, c’est d’ailleurs l’une des priorités du développement économique du pays », constate-t-il avec amertume. Les touristes, attirés par une offre de qualité et des prix compétitifs, pourraient bien délaisser l’Hexagone au profit de la péninsule ibérique. « Veut-on encore des touristes et du tourisme en France ?», s’interroge Jean-Virgile Crance.

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Pour rappel, le tourisme représente aujourd’hui 8 % du PIB en France, soit environ 225 milliards d’euros. Il génère en outre près de 2 millions d’emplois directs et indirects, dont 1,3 million de salariés privés du secteur de l’hébergement-restauration (2/3 des emplois du tourisme), faisant du tourisme le premier secteur de recrutement en France. «Il est essentiel pour l’aménagement du territoire, c’est beaucoup de PME, de TPE, renchérit-il. Il est urgent d’arrêter ce matraquage fiscal qui menace l’attractivité de la destination France et le pouvoir d’achat de nos compatriotes. Pour certains parlementaires le voyageur est plutôt un riche étranger, alors que le tourisme domestique représente 70% du PIB touristique en 2023 et sur 1,6 milliard de nuitées, 60% sont réalisées par des Français !»

Des mesures politiques sans dialogue

Jean-Virgile Crance est également président du Groupement national des chaînes hôtelières (GNC).
Groupement national des chaînes hôtelières (GNC)

Ce qui ulcère particulièrement le président de la CAT, c’est le manque d’échanges avec les autorités. « Tout est voté sans concertation, déplore-t-il. Depuis quelques jours, nous observons au Parlement une accumulation insupportable de propositions visant à augmenter la taxe de séjour et à introduire de nouvelles taxes touristiques. »

La taxe de séjour, par exemple, a déjà plus que triplé en dix ans, passant de 238 millions à 845 millions d’euros entre 2012 et 2022. « Ces initiatives confirment les alertes que nous avions faites au gouvernement face à l’émergence de nouvelles taxes, comme celles sur le climat ou pour le financement des services d’incendie et de secours », souligne-t-il.

Paradoxalement, en janvier 2024, la deuxième édition du sommet Destination France, organisée à l’initiative du Président de la République, a rassemblé au château de Chantilly 200 acteurs du tourisme, dont des dirigeants de groupes internationaux et nationaux, ainsi que des membres du World Travel and Tourism Council. Objectif : mettre en lumière les atouts de la Destination France et les opportunités d’investissements pour enrichir l’offre touristique, tout en valorisant les entreprises françaises et leur savoir-faire. « En conclusion de l’événement, le président Emmanuel Macron a rappelé le caractère stratégique de l’industrie touristique pour la France et réitéré son ambition de faire du pays la première destination durable d’ici 2030. Mais avec quel budget ?, s’interroge encore Jean-Virgile Crance. Les ambitions sont là, mais les moyens suivent-ils ? »

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Le transport aérien, cible privilégiée

En première ligne, le transport aérien. Le gouvernement prévoit de tripler la «taxe Chirac» sur les billets d’avion, un prélèvement appelé officiellement TSBA (taxe de solidarité sur les billets d’avion), engrangeant ainsi 850 millions d’euros de recettes supplémentaires. En plus, 150 millions frapperaient l’aviation d’affaires. «Le transport aérien français est en passe de devenir le plus taxé d’Europe, avertit Jean-Virgile Crance. Cette hausse d’un milliard d’euros par an aura un impact majeur sur un pavillon français déjà fragilisé. » Ce mouvement va à rebours du chemin suivi par les autres États de l’Union européenne. Début septembre, la Suède est ainsi le dernier pays à avoir pris la décision de supprimer sa taxe nationale sur le transport aérien, rejoignant les 19 autres pays de l’Union n’ayant pas de taxation spécifique au niveau national sur le transport aérien, dont en particulier l’Espagne (décidément) et l’Italie.

Sans étude d’impact, cette mesure risque de détourner les passagers vers d’autres hubs européens comme Londres, Istanbul ou Madrid. Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair et président de la Fédération nationale de l’aviation marchande (Fnam), abondait dans ce sens il y a quelques jours dans nos colonnes : « Ce sont des sommes considérables qui s’appliqueraient en un an sans progressivité. Nous n’aurons d’autre choix que de répercuter ces hausses dans le prix des billets. » Les transporteurs étrangers comme Ryanair, Lufthansa ou Iberia pourraient, eux, s’affranchir de cette nécessité d’augmenter les prix, la majeure partie de leur activité se déroulant en dehors de l’Hexagone.

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Un appel urgent au gouvernement

Face à cette situation critique, la CAT a réaffirmé son soutien à Atout France et à la plénitude de ses missions. «Lors de nos échanges avec Marina Ferrari, ministre chargée de l’Économie du tourisme, et Christian Mantei, président d’Atout France, nous avons insisté sur l’importance de préserver les missions de cet organisme », confie Jean-Virgile Crance.

«  Nous sommes déterminés à défendre les intérêts de notre secteur et à garantir l’accès aux vacances pour tous les Français »

Jean-Virgile Crance, président de la Confédération des Acteurs du Tourisme (CAT)

Les acteurs du tourisme ne se contentent pas de dénoncer ; ils proposent aussi des solutions. Ils appellent à revoir la taxation du transport aérien et à mettre un frein aux nouvelles taxes touristiques, en initiant une réforme globale et cohérente de la fiscalité du secteur. «Nous risquons de voir disparaître des pans entiers de notre industrie si ces mesures sont adoptées sans dialogue ». En janvier 2024, la CAT réclamait déjà l’abrogation des « surtaxes » de séjour dans plusieurs régions, votées sans consultation préalable et préjudiciables à la compétitivité à l’approche des Jeux olympiques de Paris. 

« Nous sommes déterminés à défendre les intérêts de notre secteur et à garantir l’accès aux vacances pour tous les Français, conclut le dirigeant. Il est temps que le gouvernement entende notre appel et engage une réelle discussion avec nous. » Le message est clair : le tourisme français ne doit pas être sacrifié sur l’autel de la fiscalité. Il en va de l’économie, de l’emploi et du droit aux vacances pour tous.



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