À Madrid, une nouvelle movida souffle sur la cité royale
À l’heure où les mesures de lutte contre le virus rythment le quotidien des grandes villes d’Europe, la capitale espagnole s’érige en exception. Balade dans la cité royale pour vivre le frisson d’une époque que l’on croyait révolue.
On y respire l’air du monde d’avant. Alors que les capitales européennes vivent au ralenti pour essayer de juguler le fléau sanitaire, Madrid avance à contre-courant avec ses musées, ses théâtres, ses bars et ses restaurants aux portes grandes ouvertes. Attirés par cette oasis de liberté, les Français s’y sont pressés. Un scandale pour les habitants, une aubaine pour les restaurateurs et les hôteliers suffocants. Question de perspectives : le pic de touristes venus de l’Hexagone en mars dernier a atteint 4 113 personnes en une journée, soit 70 % de moins qu’en 2019. Difficile donc de parler de ruée, bien que l’on entende la langue de Molière résonner dans les musées.
À commencer par le Prado, où sont réunies pour la première fois depuis le XVIe siècle les six œuvres mythologiques de Titien, peintes pour le roi Philippe II entre 1551 et 1562. Au Centro de Arte Reina Sofía, où l’on s’émeut d’ordinaire devant le Guernica de Picasso, l’évolution culturelle, historique et sociale du Maroc est mise à l’honneur dans une exposition en trois volets. Entre les murs du CaixaForum voisin, on s’intéresse aux maquettes et aux œuvres de Jean Prouvé, dans une rétrospective qui lui est consacrée.
L’esprit de l’architecte français flotte aussi entre les murs de Sala Equis, adresse confidentielle et rétro dissimulée derrière une façade peu engageante. Dernier cinéma érotique de Madrid, il est devenu un vaste espace culturel où une population éclectique se retrouve autour d’un bar postindustriel illuminé par des néons vintage. Entre deux projections de classiques d’Almodóvar ou de pépites indés (programmation sur Salaequis.es), on déguste des perritos (mini-hot-dogs) et des croquetas sur des chaises longues et des bancs en bois. Madrid n’a peut-être pas inventé les tapas, nées dans les tabernas de l’Andalousie, mais ses habitants sont certains de les avoir perfectionnées… à juste titre.
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Palaces en vue
Une flânerie digestive salutaire conduit le visiteur dans le barrio de Las Letras, ancien quartier des imprimeurs où vécurent les plus grands auteurs et dramaturges madrilènes, Cervantès et Lope de Vega en tête. Leurs citations sont aujourd’hui inscrites en lettres d’or sur les pavés, à quelques encablures de la Puerta del Sol, centre officiel de l’Espagne et point zéro de toutes les routes du pays. C’est dans l’une des avenues adjacentes que s’est établi l’hôtel Four Seasons (chambres à partir de 440 €), en septembre dernier, après huit ans de travaux pharaoniques. Les superlatifs manquent pour décrire le palace aux 200 clés, doté d’un spa sur quatre étages – le plus grand de la ville – avec une piscine de rêve et d’un rooftop décoré par le designer Martin Brudnizki, où l’on se délecte des mets du chef étoilé Dani García.
Le Mandarin Oriental Ritz (chambres à partir de 700 €), ouvert le 16 avril, n’est pas en reste avec ses 53 suites, ses deux piscines, sa galerie d’art et son restaurant étoilé conçus par le duo d’architectes d’intérieur français Gilles & Boissier. Si l’on évite d’ordinaire de dîner avant 21 h 30 pour avoir l’air d’un Madrileño, le couvre-feu fixé à 23 heures bouscule les habitudes locales. Un dernier cocktail sur le toit du nouveau Riu Plaza España (chambres à partir de 95 €), prisé de la jeunesse branchée, avant le clap de fin. « Soló se vive una vez » (on ne vit qu’une fois), proclamaient les graffitis sur les murs de la ville dans les années 1980. Les slogans libertaires de la Movida madrileña se nimbent aujourd’hui d’un goût de nostalgie. Promis, la fête n’est pas finie.
Y ALLER : Air France opère 3 vols quotidiens au départ de Paris, à partir de 81 € l’aller-retour.
À VOIR : « Passions mythologiques », au Prado, jusqu’au 4 juillet ; « Trilogie marocaine 1950-2020 », au Centro de Arte Reina Sofia, jusqu’au 27 septembre et « Jean Prouvé. Architecture, industrie et mobilier », au CaixaForum, jusqu’au 13 juin.