Au départ de Lyon, cette ligne TER méconnue parcourt les bocages verdoyants de la Bourgogne du Sud
LE VOYAGE EN TRAIN DU MOIS – Beaujolais, Charolais, Brionnais… Autant de territoires que l’on découvre sans voiture, au rythme d’étapes en train et à vélo le long de la ligne de Lyon à Paray-le-Monial.
«2e pire ligne de France. Bravo !» À la sortie de la gare de Lamure-sur-Azergues (Rhône), le message inscrit en rouge sur une banderole donne le ton. La ligne TER qui la dessert et qui relie Lyon à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire) a été désignée en avril 2024 par Le Parisien comme étant la pire de France après Paris–Tours en termes de ponctualité, avec 24,5 % de trains annulés arrivés avec plus de cinq minutes de retard à l’arrivée en 2023. «Ce classement a fait une très mauvaise publicité à la région mais reflète bien les problèmes récurrents que connaît la ligne», se désole auprès du Figaro Marc Desplaces, maire de Lamure-sur-Azergues (Rhône).
C’est dans sa commune d’un millier d’habitants que se joue l’avenir de l’axe ferroviaire qui sillonne l’extrême sud de la Bourgogne. Jusqu’en novembre 2023, elle disposait d’un aiguilleur chargé du croisement des trains sur la ligne à voie unique. Le non-remplacement de ce poste par la SNCF les empêche de se croiser, et donc d’augmenter les fréquences. «Les trains ne peuvent plus se croiser sur 90 km, soit le plus long tronçon à sens unique de France. Il faut attendre que l’un arrive au bout de la ligne pour qu’un autre circule dans l’autre sens», souligne Jean-Marc Nesme, maire de Paray-le-Monial et président du Pays du Charolais-Brionnais. Autant dire qu’avec une telle configuration, le moindre problème sur la ligne produit des retards et des annulations en chaîne.
De quoi limiter le développement économique des territoires, mais aussi le potentiel touristique de cette petite ligne qui traverse le Beaujolais, le Brionnais et le Charolais. Des «pays» que l’on associe au vin, aux bocages bourguignons et à la race bovine et que le train aide à situer plus précisément sur une carte de France. Alors que la Bourgogne est bien desservie par le rail à l’est par l’axe Paris-Dijon-Lyon et à l’ouest par l’axe Paris-Clermont Ferrand, la transversale que nous empruntons fait office de parent pauvre. Ouverte à la toute fin du XIXe siècle, la ligne a été construite pour décharger la ligne «impériale» de Paris à Lyon avant de tomber en désuétude, au point que sa deuxième voie a été démantelée dans les années 1980.
«Une partie de notre territoire sera classée à l’Unesco. Il est impensable que nous accueillions les visiteurs avec l’offre ferroviaire actuelle», ajoute Jean-Marc Nesme. Pourtant, des solutions existent. Dans une étude de mobilité prospective publiée en mars 2024, les quatre communautés de communes traversées par la ligne prônent la création d’une deuxième voie à Chauffailles pour permettre le croisement des trains et faire passer leur fréquence de 4 à 10 par jour. Un aménagement qui ferait bondir le taux de fréquentation de 170 %. Un moyen de favoriser un usage touristique ? Pour l’heure, il faut bien le dire, planifier une excursion le long de la ligne relève du casse-tête. Et faute de transports en commun à chaque gare, embarquer son vélo dans le train est presque un indispensable pour pouvoir explorer les alentours.
Nos étapes le long de la ligne
À 20 minutes de Lyon, le train nous dépose à l’entrée du sud du Beaujolais, plus précisément dans l’aire des Pierres dorées. Flâner depuis la gare de Châtillon-sur-Azergues dans le village du même nom ainsi que dans le village voisin de Charnay suffit à comprendre l’origine de ce nom. Les édifices en pierres calcaires portent une belle couleur or qui leur donne un air de «petite Toscane». Qui dit Beaujolais dit aussi vin : caves, domaines et vignobles attendent les adeptes d’œnotourisme.
Tous les trains ne s’arrêtant pas à Châtillon d’Azergues, l’alternative est de vous arrêter en gare de Lozanne, mieux desservie, puis de poursuivre à vélo ou en car.
Trente minutes plus tard, Lamure-sur-Azergues marque la porte d’entrée du Beaujolais Vert, dont on admire les espaces boisés et les paysages agricoles le long de la boucle de randonnée n°8 (16,8 km, environ 5 heures) ou de la boucle cyclotouristique n°3.2 (29 km, environ 2 heures et 30 minutes) à travers la forêt de la Pyramide. Autre idée de balade : le Lac des Sapins, lieu de nombreuses activités nautiques et de loisirs en plein air (accrobranche, équitation…), accessible en une heure à vélo depuis la gare de Lamure-sur-Azergues.
Peu après avoir quitté Lamure, le train emprunte la boucle hélicoïdale de Claveisolles, ouvrage composé d’un tunnel de 4 km et de cinq viaducs servant à franchir une importante déclivité. Puis, quelques minutes avant notre prochain arrêt, il franchit un autre ouvrage d’art : le viaduc ferroviaire de Mussy-sous-Dun, long de 561 m et haut de 60 m, qui offre un point de vue spectaculaire sur le bocage Brionnais.
Une fois descendu en gare de La Clayette-Baudemont, on s’élance à vélo jusqu’au château de Drée, le «petit Versailles du Charolais», dont les jardins à la française détiennent le label «Jardin remarquable». Puis on sillonne les petites routes du «paysage de l’élevage bovin du Charolais-Brionnais», en cours d’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Un cadre verdoyant et parsemé de collines que l’on embrasse au sommet de l’une d’elles, depuis la table d’observation de Prizy, à plus de 400 m d’altitude. De là, les routes en pente descendent en douceur jusqu’à l’Auberge des Collines d’Amanzé, chambre et table d’hôtes aménagées dans l’ancienne dépendance d’un château, qui nous invite à un séjour reposant dans un cadre authentique.
Haut-lieu de pèlerinage, Paray-le-Monial marque le terminus de la ligne TER. Sa basilique romane du 12e siècle est le modèle le mieux conservé de l’architecture clunisienne en Bourgogne. Flâner dans ses rues médiévales nous fait passer devant son Hôtel de Ville et sa façade à l’italienne et nous conduit jusqu’au musée municipal Le Hiéron, dédié à l’art sacré et classé aux Monuments historiques. Les cyclistes prêts à faire une infidélité au train peuvent aussi relier La Clayette à Paray-le-Monial en suivant l’étape n°10 de la CycloRoute71 (67 km), une boucle de qui fait le tour du département de Saône-et-Loire.
- Et pour aller plus loin : Digoin
En poursuivant plus à l’ouest sur la ligne de Paray-le-Monial à Nevers, dix minutes de trajet suffisent pour rejoindre Digoin, qui doit sa renommée à l’industrie de la céramique et surtout à son pont-canal sur la Loire que les piétons peuvent emprunter. Pour les voyageurs qui voudraient poursuivre leur périple avec un autre de mode de transport doux, l’agence Les Canalous, située à quelques pas de la gare, propose des croisières fluviales et la location de bateaux et péniches sans permis le temps d’un week-end, d’une semaine, voire plus.
Horaires, prix… Les informations pratiques
Le trajet de Lyon à Paray-le-Monial prend environ 1 heure et 45 minutes et coûte 22,40 € en plein tarif (inclus dans le Passe rail). La liaison est assurée par quatre allers-retours quotidiens en TER ainsi que par des cars plus lents mais desservant plus d’arrêts. Les vélos non démontables peuvent être transportés gratuitement dans la limite des espaces dédiés à bord de chaque rame.
Pour en savoir plus sur les destinations desservies par la ligne et organiser votre séjour, consultez les sites internet des offices de tourisme du Beaujolais, du Beaujolais Vert et du Pays Charolais-Brionnais.
«Le voyage en train du mois»
De la petite ligne pittoresque au long périple à travers plusieurs pays, Le Figaro Voyage vous propose chaque mois une idée d’itinéraire en train testé et approuvé par la rédaction. Retrouvez notre dernier épisode : «Relier Paris à l’Écosse en train est plus facile qu’on ne croit (et voici à quoi s’attendre)».
À ÉCOUTER – L’interview : les bons plans de Jean-Marc De Jaeger, journaliste au Figaro Voyage, pour découvrir l’Europe en train