L’anniversaire épique des 90 ans de l’armée de l’air au Château de Versailles
Vendredi 28 juin, les ambassadeurs de l’armée de l’air se sont déployés dans le ciel des Jardins Royaux. Un choc des esthétiques qui avait de l’allure.
C’est un invité inattendu et presque anachronique que recevait le Château de Versailles vendredi 28 juin au soir. L’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) soufflait son 90e anniversaire pendant les Grandes Eaux Nocturnes qui animent les Jardins royaux chaque week-end de l’été. Deux mois plus tôt, il n’avait fallu que quelques heures pour que les 20.000 places mises en vente par le château ne s’envolent. Cette foule réjouie, déjà convaincue, n’avait plus qu’une question en tête : à quoi peut ressembler l’audacieuse parade qui mêle les fleurons de l’aviation tricolore au faste du Grand Siècle ?
Fondée officiellement le 2 juillet 1934 – soit 22 ans après ses premières escadrilles – l’armée de l’air avait vu grand, et haut, et fort, pour reprendre la devise olympique citée dans la soirée. Le ballet aérien organisé ce soir montrait l’ampleur d’une cérémonie d’ouverture. Tout a commencé à 20h précises. «Le show dépend d’un plan de vol général extrêmement complexe pour qu’il n’y ait pas de “blanc” entre chaque passage d’avion, nous prévenait quelques heures avant Laurent Brunner, directeur des spectacles à Versailles. Il a aussi fallu se caler avec les couloirs aériens de Roissy et Orly, et faire passer nos avions entre deux vols. C’est une imbrication très compliquée, qui nous demande d’être timés à la seconde même !»
Les chevaliers d’Apocalypse Now
Dans des haut-parleurs dissimulés dans les bosquets, une voix-off égrène l’histoire de l’AAE. Les premiers «ambassadeurs» à entrer en pistes sont les parachutistes de l’équipe Phénix, un immense drapeau tricolore dans les mains. Ils sont suivis par les très vintage biplans Stampe (conçus en 1937) de l’équipe de Voltige, qui tracent dans l’azur un cœur immense percé d’une flèche.
Les appareils jouent avec le soleil, semblant parfois surgir de l’astre même : il est impossible de profiter du spectacle sans lunettes adéquates. «Le parc de Versailles a été construit par Louis XIV pour recueillir le soleil quand il se couche, reprend Laurent Brunner. Les avions viennent de l’Ouest, du couchant, passent par le canal et remontent jusqu’au château. On ne pouvait pas mieux respecter le souhait du Roi Soleil…»
Rafale et A400M
Au tour du Caracal de faire son apparition dans les cieux versaillais. L’hélicoptère de transport de troupes, qui va hélitreuiller quatre hommes depuis un bosquet, débarque sur La chevauchée des Walkyries. Un clin d’œil à Apocalypse Now qui enchante l’assemblée… «J’ai la chair de poule», entend-on à plusieurs reprises. C’est aussi grâce à la bande-son du show, qui pioche volontiers du côté du 7e art. Ainsi, le tonitruant Rafale entre en scène sur Time, la musique d’Inception. «C’est encore plus épique qu’un concert de Hans Zimmer !», s’enthousiasme un adolescent.
Le volumineux A400M, mastodonte qui peut transporter jusqu’à 25 tonnes de matériel, s’offre une entrée sur les cuivres de Mission : Impossible avant de réaliser un improbable looping. Le panache à la française ?
Bien sûr, tout Versailles profite du spectacle, beaucoup étant rassemblés depuis la Place du Château où les ors de la façade brillent de mille feux. «La vue y est particulièrement impressionnante, notamment pour les passages du A400M qui jaillit soudainement de derrière les bâtiments, sourit Michaël, photographe. On se rend compte de la taille colossale de l’avion. Même sans être dans les jardins on a pu profiter entièrement du spectacle aérien avec les dorures de Versailles au premier plan.» Laurent Brunner acquiesce : «on n’imagine pas qu’un appareil de cette taille fasse cela, ça donne le vertige».
«J’ai toujours été antimilitariste, mais là, difficile de ne pas être émue», concède Marie, notaire à Versailles. Autour de la trentenaire, un groupe applaudit l’apparition très attendue de la Patrouille de France. Les Alpha Jets simulent une joute céleste, se fonçant dessus à la hauteur du soleil, avant de rayer le ciel de la griffe tricolore ! «Ce genre de meeting, où des avions volent si bas, on ne peut pas le faire ailleurs en Île-de-France, à l’exception du 14 juillet, se félicite le directeur des spectacles de Versailles. Louis XIV et ses successeurs ont été les chefs de la modernité, toujours avec la volonté de lier à Versailles le spectacle et la tradition militaire. L’armée de l’air est le successeur de la cavalerie. C’est une chorégraphie aérienne comme il y avait des chorégraphies dans les carrousels.»
Le ballet touche à sa fin. Conquest of Paradise de Vangelis accueille le coucher du soleil dans le Grand Canal de Versailles. Un peu à l’écart, un gamin à l’air triste porte des lunettes à verres épais. Il tire la manche de son père pour lui poser une question. On en devine le sens. Il sera consolé en partie par les époustouflants feux d’artifices qui clôtureront les festivités, deux heures plus tard. Des centaines de drones accompagnent les fusées traditionnelles pour dessiner dans la nuit les différents profils de l’armée de l’air. Au sol, des vocations sont nées.
> > > Les Grandes Eaux Nocturnes du Château de Versailles ont lieu chaque samedi soir, jusqu’au 21 septembre 2024, de 20h30 à 23h. Réserver sa place en ligne . À partir de 28 euros (hors tarifs réduits).
EN VIDÉO – Les 90 ans de l’armée de l’air au Château royal de Versailles