quatre plats de pâtes à goûter absolument
La famille, c’est important dans les trattorie romaine. Et pas seulement parce qu’on est aux fourneaux de grand-mère en fils ou de père en fille. Mais aussi parce qu’un drôle d’air de famille semble unir les spécialités présentées au chapitre primi piatti des menus. Carbonara, amatriciana, gricia, cacio et pepe : quatre variations autour des pâtes et de quelques ingrédients, qui donnent à chaque plat son caractère.
Leur gène commun vient des brebis: c’est le pecorino romano, un fromage produit sur les collines autour de Rome. À cette spécialité au goût légèrement piquant, s’ajoutent selon les cas le guanciale (joue de porc séchée et poivrée), les œufs ou la tomate. Venus des montagnes entre le Latium et les Abruzzes, ces plats étaient le pain quotidien des bergers qui partaient en transhumance chargés de produits à longue conservation.
Rome s’est approprié ces spécialités rustiques et leur réserve une place d’honneur dans sa gastronomie. Nous avons sélectionné quatre restaurants où vous pourrez expérimenter chacun de ces plats cousins.
La carbonara de Nabil Hassen Hadj chez Roscioli
Roscioli c’est un restaurant mais c’est avant tout une famille. Présente depuis 1824 dans le centre de Rome, elle ouvre tour à tour un forno (boulangerie) puis une salumeria (épicerie fine) où sont également servis les généreux plats de la tradition romaine.
Cette bonne table s’est distinguée en 2008, lorsque la carbonara de Roscioli, préparée par le chef Nabil Hassen Hadj, reçoit le prix de meilleure d’Italie, faisant de ce plat la pierre angulaire du menu. Mais qu’est-ce qu’une carbonara, pour les Romains ?
Certainement pas un plat à base de crème, exclue de la liste des ingrédients. Mais plutôt des œufs fouettés avec le pecorino, le guanciale saisi à la poêle, croquant à l’extérieur et fondant à l’intérieur, et beaucoup de poivre. Parce que carbonara viendrait de carbone, le charbon en italien. Le résultat est crémeux, piquant et fondant à la fois : un délice qui se déguste le long du comptoir où reposent les produits disponibles à la vente à emporter.
Roscioli. Via dei Giubbonari, 21. Du lun-sam 12h30-16h et 19h-minuit. Tél. : +39 06 687 5287. Réservation indispensable. https://salumeriaroscioli.com/
La gricia de Claudio Gargioli, chez Armando al Pantheon
La gricia, « c’est la mamma ». Du guanciale, du pecorino, du poivre. Une recette simple, puissante, entière. Claudio Gargioli, qui tient le restaurant ouvert par son père Armando en 1961, estime qu’elle se prépare « avec les yeux, le nez et les oreilles ». Exit le chronomètre, place à l’expérience. Et aux produits sourcés : pâtes de la petite fabrique toscane Martelli, pecorino Lopez en direct des campagnes romaines, et guanciale de Montefiascone, au nord de Rome.
Des ingrédients harmonieusement unis pour un résultat crémeux et piquant, grâce au poivre que le chef aime toaster à part, pour en libérer les arômes. On s’en régale dans la petite salle aux murs lambrissés et aux nappes blanches, en s’imaginant l’époque où Jean-Paul Sartre aimait la fréquenter pour jouer aux cartes avec la clientèle.
Armando al Pantheon. Salita dei Crescenzi, 31. 12h30-14h45 et 19h-23h. Fermé le dimanche. Tél. : +39 06 6880 3034.
L’amatriciana selon Arcangelo Dandini, à L’Arcangelo
Fille de la gricia, l’amatriciana naît sur d’anciennes terres du Latium, rattachées aujourd’hui à la région des Abruzzes. Dans le village de montagne d’Amatrice, la gricia s’enrichit de tomate. Rome, jamais rassasiée, s’empare du plat qui devient un classique de la capitale, figurant dans la majorité des menus. Arcangelo Dandini, chef du restaurant l’Arcangelo, a déjà tranché : « c’est mon plat préféré ! ».
Sa grand-mère, lectrice de Pellegrino Artusi (grand auteur culinaire italien), lui a transmis sa passion pour la cuisine. « Qui dit tradition dit aussi mouvement : mon amatriciana n’est pas la même que celle de ma grand-mère, le monde change ». À commencer par les tomates, ingrédient que le chef aime varier pour tirer bénéfice des milles variétés disponibles selon les saisons. Dans son établissement non loin du Vatican, son amatriciana se déguste sur des bucatini (une variété de gros spaghettis percés d’un trou) ou des gnocchis.
L’Arcangelo. Via Giuseppe Gioachino Belli, 59. Lun-vendredi 13h-14h et 20h-23h et samedi 20h-23h. Fermé le dimanche. Tél. : +39 06 321 0992.
La cacio e pepe de Felice, au Testaccio
C’est une institution en vue dans le quartier depuis l’ouverture du restaurant par Felice Trivelloni en 1936. Aller dîner chez Felice, même s’il n’est plus aux commandes de l’établissement, est une garantie pour le palais des Romains. Encore plus si l’on y déguste une cacio e pepe. Sur le papier, c’est la plus simple des spécialités romaines. Du pecorino finement râpé et du poivre, un filet d’huile d’olive : voilà pour les ingrédients.
On les accommode avec une variété toute romaine de pâtes, les tonnarelli, d’épais spaghettis frais, choisis dans leur version acqua e farina chez Felice -comprenez, sans œufs.
La dernière étape de la préparation, la mantecatura (mot difficile à traduire qui désigne la liaison de l’ensemble avec le pecorino) qui donne au plat toute son onctuosité, est réalisée par le serveur directement à votre table, sans verser une goutte sur la nappe immaculée. Un sans-faute.
Felice a Testaccio. Via Mastro Giorgio, 29. 12h30-15h et 19h-23h30. Tél. : +39 06 574 6800. Réservation fortement conseillée.