À bord du Dogu Ekspresi, l’Orient Express de la Turquie hivernale


REPORTAGE – Ce train relie la capitale, Ankara, à Kars, à l’extrême nord-est du pays. Une façon économique et dépaysante de découvrir des régions hors des radars touristiques.

Il fait nuit noire et la petite locomotive bleue, blanche et rouge s’enfonce dans l’obscurité. Ankara, la capitale de la Turquie, est dans le rétroviseur depuis quelques heures déjà et la majorité des passagers se sont réfugiés dans leur couchette, bercés par un léger roulis. Seuls quelques noctambules et membres de l’équipage squattent le wagon-restaurant, l’habituelle et réconfortante agora des trains de nuit. On y boit, à toute heure, du çay, ce thé noir si populaire en Turquie. Un couple fait passer une boîte de feuilles de vigne farcies. Un autre entame une partie de tavla (backgammon). Certains en profitent pour fumer – discrètement – quelques cigarettes : tout dépend de l’heure et de la fréquentation du wagon.

Se diffuse une atmosphère proche de l’image d’Épinal, qui n’est pas surjouée. De l’ouest à l’est du pays, les distances sont longues, les routes sont lentes, il faut savoir tuer le temps.


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Neige et brume

Justement : pendant la saison hivernale, qu’il est beau, qu’il est surprenant, de sillonner le Croissant sous la neige et par le rail ! Une terre blanche et sauvage, bordée de hauts reliefs, pauvre en infrastructures humaines, qui serpente entre plaines infinies, vallées encaissées et canyons rendus fantastiques par la neige et la brume.

C’est au milieu de ces paysages inattendus que se faufile le Dogu Ekspresi (que l’on peut traduire par « Express de l’Est » ou « Orient Express »), dont les rails zèbrent la Turquie d’une immense ligne droite depuis Ankara jusqu’à son extrême nord-est et la ville de Kars, à quelques kilomètres de la frontière arménienne. Inauguré en 1936, le train tricolore est justement devenu célèbre pour permettre aux voyageurs de découvrir la beauté de la Turquie en plein hiver.

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À tel point qu’un second Dogu Ekspresi, touristique celui-ci, plus instagrammable, plus confortable et dix fois plus cher, a été lancé en 2019. Pour les Turcs, il s’agissait aussi de faire découvrir aux étrangers des régions méconnues. L’occasion pour les Français, qui n’ont bien souvent en tête de la Turquie qu’Istanbul, la côte égéenne et la Riviera turque, de s’offrir une vraie percée en Asie à quelques heures d’avion de Paris.

La Cappadoce et l’Anatolie orientale

Le train ralentit. « Kayseri », chuchote le chef du wagon. Le Dogu Ekspresi fait une brève halte dans cette ville moyenne, porte d’entrée de la Cappadoce. Passé cette région historique du centre du pays, reconnaissable à ses cheminées de fées et ses églises troglodytes, où le soleil se lève en même temps que des dizaines de montgolfières, le train va aborder une Turquie qui n’a plus rien de touristique, qui n’est plus renseignée dans les guides, qui ne parle plus un mot d’anglais.

Au réveil, nous avons pénétré l’Anatolie orientale. Les paysages ne sont plus les mêmes et les températures ont largement descendu. En janvier, la neige recouvre tout et les canyons ocre alternent avec les montagnes immaculées. Le voyageur ne se lasse pas d’absorber ce no man’s land poétique, la tête collée à la vitre, grâce au rythme lent des voitures (80 kilomètres par heure !), idéal pour digérer les grands espaces. Avis aux lecteurs et aux rêveurs…

Dogu Ekspresi
Turquie Tourisme


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Si le Dogu Ekspresi fait une cinquantaine d’arrêts rapides (compter 25 heures de trajet), sa version touristique (32 heures) ne s’autorise qu’une poignée de haltes, bien plus longues et en pleine journée, pour permettre aux voyageurs de prendre leur repas dehors et de visiter la ville. C’est le cas à Erzincan. Dans cette région, le train suit l’Euphrate pendant quelques dizaines de kilomètres et s’enfonce dans l’antique Mésopotamie. Il convient, quelques heures plus tard, de s’arrêter à Erzurum, réputé à l’échelle nationale pour son kebab d’agneau grillé. Jusqu’à Kars, le train continue de parcourir une variété de reliefs protéiformes, entre plaines vallonnées, villages haut perchés et montagnes désertiques.

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Il suffit d’être installé en tête ou en queue de train pour voir ce dernier serpenter au sens propre, en épousant les courbes impossibles de cet époustouflant décor ! Au terminus, et après avoir visité l’impressionnante citadelle ainsi que l’église chrétienne de Kars, une cité de culture arménienne, le voyageur pourra poursuivre son périple vers le nord et la Géorgie (la frontière terrestre avec l’Arménie étant fermée), vers les stations de ski locales, ou vers le sud et le Kurdistan turc. Une autre Turquie pleine de trésors, bien loin des circuits touristiques.


Carnet de route

Organiser sa croisière ferroviaire

Les billets sont à acheter en ligne sur le site de la TCDD. Il est plus simple d’utiliser l’application mobile. Compter 20 euros pour une couchette dans un compartiment pour 4 personnes dans le train classique (un train par jour, départ d’Ankara à 18 heures) ; et à partir de 320 euros pour une couchette dans un compartiment pour 2 personnes dans le train touristique (un à deux par semaine selon la saison, départ d’Ankara à 14 heures).

Attention ! Pour ce dernier, les places sont rares et chères, et régulièrement revendues au double de leur prix par des tour-opérateurs. Il convient de s’y prendre des mois à l’avance.


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En cas de dernière minute, possibilité de s’inscrire en gare d’Ankara, une heure ou deux avant le départ du train, sur une liste d’attente dans le cas où des places se seraient libérées.

Les voyageurs du train touristique ont la possibilité de décorer comme bon leur semble leur cabine, d’y apporter un réchaud, etc. Ils disposent en outre d’un mini-frigo et d’un lavabo personnels.

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Le Dogu traditionnel, plus spartiate, reste propre et bien chauffé. Possibilité de prendre ses repas en voiture-restaurant, qui prépare notamment (sur place) un kebab de poulet convenable et propose différents snacks. Prévoir une multiprise peut vous valoir les louanges de vos voisins. Ambiance conviviale et respectueuse. En période hivernale, le nord-est de la Turquie est remarquablement froid (jusqu’à - 15 °C à Kars). S’habiller en conséquence.



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