Le vaccin, nouveau sésame pour voyager ?
Plusieurs pays lancent ou envisagent un passeport vaccinal pour le tourisme. Il permet aux voyageurs prouvant qu’ils sont vaccinés contre le Covid-19 d’échapper à des restrictions comme la quarantaine ou un second test. Mais le sujet divise.
Un passeport vaccinal, futur «laissez-passer» pour le tourisme ? L’idée fait son chemin dans un monde encore verrouillé par les restrictions de voyage. Sans attendre, les Seychelles l’ont instauré à la mi-janvier. Une première. En Europe, la Grèce pousse les feux pour sauver sa saison d’été. L’idée ? Instaurer un document à la validité reconnue, prouvant qu’une personne est vaccinée contre le Covid-19. Selon les mesures décidées par chaque pays, ce certificat probablement numérique exempterait le touriste de quarantaine ou de test de dépistage à l’arrivée. Voire l’autoriserait à se rendre dans certains lieux publics ou restaurants.
De nombreux pays semblent prêts à instaurer un passeport vaccinal d’ici à l’été prochain, lorsque la majorité des populations de certains pays aurait, selon les projections, reçu ses doses. Le sujet divise, la France ou l’Allemagne jugeant le débat prématuré.
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Quels pays sont favorables au passeport vaccinal et que proposent-ils ?
Depuis le 14 janvier, les Seychelles, où le tourisme pèse 65% du PIB, fournissent le premier exemple concret d’un «passeport» qui allège le séjour du touriste vacciné. À ce jour, un voyageur en provenance d’un nombre limité de pays – dont la France —, peut profiter des plages de sable blanc de l’archipel de l’océan Indien, à condition de produire les résultats négatifs d’un test réalisé moins de 72 heures avant leur arrivée. Toutefois, avoir reçu les deux doses de vaccin au moins quatorze jours avant l’embarquement et en fournir «la preuve» lui permet d’esquiver la «quarantaine» de 10 jours à l’hôtel, précise France Diplomatie. La mesure reste en vigueur jusqu’en mars.
En Europe, la Grèce a enfoncé un coin le 12 janvier. Son Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, a proposé à la Commission que toute personne vaccinée voyage sans restrictions au sein de l’Union. Comme les Seychelles, la république hellène accepterait les touristes non-vaccinés sur son territoire. Mais les soumettrait au préalable à des tests PCR ou des contrôles à l’arrivée. Sans attendre, la Grèce a déjà conclu un «accord touristique» le 8 février avec Israël, pays qui compte en proportion de sa population le plus grand nombre de vaccinés au monde. Les citoyens ayant reçu les deux doses pourront voyager sans restrictions entre les deux États, qui discutent également avec Chypre. L’île méditerranéenne a déjà annoncé qu’elle exemptera de quarantaine les voyageurs prouvant leur vaccination anti-Covid à partir du 1er mars.
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La liste s’allonge chaque semaine ou presque. La Géorgie vient d’indiquer qu’elle accueillera sans restrictions les voyageurs ayant reçu les deux doses dès le mois de février. Sans exclure là non plus les autres, qui découvriront les beautés du Caucase à une double condition: présenter un test PCR négatif de moins de 72 heures, et réaliser un nouveau test trois jours après leur arrivée. L’Islande a annoncé des mesures similaires pour le 1er mai.
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La perspective de lever des barrières au tourisme séduit également l’Espagne, l’Italie, Malte ou le Portugal. Pour Jean-Pierre Pinheiro, directeur de l’office de tourisme du Portugal en France (Visit Portugal) et président des Association des Offices Nationaux Étrangers de Tourisme en France (Adonet), la mesure serait «un moindre mal au vu de l’évolution des mesures sanitaires en Europe depuis l’arrivée des variants, comme les quarantaines et les confinements».
Mais le débat dépasse déjà le simple accès à un pays et la possibilité d’y circuler. Le Danemark et la Suède développent un «passeport corona» avec une vision bien plus large pour retrouver un semblant de normalité. Cette attestation numérique d’immunité, qui serait disponible d’ici à juin, permettrait aux vaccinés de voyager sans restriction, certes, mais aussi d’accéder aux restaurants ou événements sportifs.
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Allemagne, Belgique, Pays-Bas et France se montrent beaucoup plus réservés. Le débat est «prématuré», tranche Jean-Baptiste Lemoyne dans les colonnes du Figaro. Le secrétaire d’État au tourisme résume la position gouvernementale. «Conditionner le droit de voyager à la vaccination soulève un certain nombre de questions d’ordre éthique [et] instaurerait une discrimination envers les personnes non vaccinées.»
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L’idée du «laissez-passer» vaccinal divisant au sein de l’Union européenne, les discussions en cours entre les 27 se sont recentrées sur des normes communes pour une reconnaissance mutuelle de certificats vaccinaux. Mais il n’y a pas de position figée à ce stade sur les droits qu’ils pourraient ouvrir. À commencer par celui de voyager, qui serait davantage la prérogative des États.
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Quelle est la différence entre le passeport vaccinal et passeport sanitaire ?
Si le débat est compliqué pour le grand public, c’est aussi parce qu’il faut distinguer le «passeport vaccinal» d’un outil à la sémantique proche : le «passeport sanitaire numérique», aussi appelé «certificat sanitaire». Les deux sujets peuvent se rejoindre à terme, puisque le certificat de vaccination contre le Covid-19 peut s’inscrire dans un support plus large: un carnet de santé digitalisé accompagnant et facilitant tout déplacement, de loisir ou professionnel. Les entreprises du secteur lui donnent déjà quitus. «Avec un support unique qui intègre les données de santé (tests PCR ou antigénique, antécédents, vaccins…), on pourra savoir, en scannant très facilement un QR code, dans quel pays on a le droit de voyager. Les critères ne seront pas harmonisés, alors il faut harmoniser le support !», appuie le président des Entreprises du voyage, Jean-Pierre Mas.
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Les compagnies aériennes, laminées par la crise, montent en première ligne pour digitaliser l’ensemble des documents de voyage, y compris les tests PCR ou le vaccin pour la partie Covid. L »Association internationale du transport aérien (IATA), qui regroupe 290 compagnies aériennes, promet le lancement d’un Travel Pass pour fin mars. Cette base de données sécurisée permettrait aux compagnies aériennes de vérifier si le passager répond aux exigences de la destination finale en termes de test ou de vaccination. Les laboratoires partenaires peuvent envoyer les résultats et certifications de vaccination directement sur une application mobile, réduisant le risque de fraude qu’il faut prendre en considération, comme l’a montré le scandale des faux tests PCR. Emirates, Etihad Airways, Qatar Airways et Singapore Airlines seront les premières à utiliser le Travel Pass.
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