Stop aux bivouacs : Belle-île-en-Mer n’en peut plus
Jusqu’alors toléré, le bivouac n’est plus autorisé le long du Tour de Belle-Île à pied, le GR340, face à une explosion de la fréquentation qui entraîne une dégradation du sentier côtier.
Le message est martelé dès la gare maritime de Quiberon, dans le Morbihan, sur les panneaux d’informations. «Bivouac interdit», en plus de ceux, plus anciens, sur l’absence de points d’eau potable et le «Oui au planter de bâton mais pas sans embouts». C’est là, au bout de la presqu’île de Quiberon, qu’embarquent les randonneurs souhaitant faire le tour de Belle-Île-en-mer à pied en plusieurs jours. Des affichettes ont également été accrochées dans le ferry qui rejoint en 50 minutes le port de Le Palais, capitale de l’île bretonne.
«Un séjour sur une île se prépare en amont», insiste Annaïck Huchet, présidente de la communauté de communes et maire de Bangor. Cette fin août, les élus locaux se sont mobilisés pour rappeler l’interdiction du camping sauvage, particulièrement pratiqué cet été, comme dans de nombreux sites naturels, la presqu’île de Crozon, dans le Finistère voisin, ou en montagne.
Poubelles abandonnées dans les tentes, barbecues, drones… En montagne, quand le bivouac déborde
Chemin de randonnée préféré des Français
Les chiffres sont éloquents : de janvier à août 2025, le nombre de randonneurs sur le sentier côtier a augmenté de 45% par rapport à 2024. L’afflux a débuté en 2022, lorsque le GR 340 a été élu «chemin de randonnée préféré des Français» par la fédération française de randonnée. Les élus avaient alors refusé de recevoir ce trophée, regrettant de ne pas avoir été associés à cette initiative aux conséquences immédiates. Si l’essor de la randonnée s’affirme comme une tendance nationale, «nous avons connu cet été une montée en flèche à Belle-Île, virale sur Instagram et TikTok», observe Camille Bevand, en charge de l’accueil à l’office de tourisme.
«Il y a énormément de jeunes, dont beaucoup de groupes d’amis. Notre territoire se prête parfaitement à cette activité, que nous encourageons. Mais nous devons lutter contre les comportements inadaptés.» Une veille est menée depuis avril sur les réseaux sociaux, afin de rappeler que l’on ne peut pas planter ses piquets n’importe où. Cette pratique était jusqu’alors tolérée, si l’on arrivait en fin de journée et repartait tôt le matin. «Mais, face aux abus, avec notamment de dangereux départs de feux dans les sous-bois, nous avons décidé de rappeler la loi s’appliquant à nos espaces naturels : une interdiction formelle», souligne Annaïck Huchet.
Camping sauvage, bivouac : où planter sa tente en France et en Europe ?
Un chapelet de papier-toilette
Car cet été, les toiles colorées ont poussé comme des champignons à travers la lande, voire sur les espaces verts des villages comme Bangor, où le camping municipal affichait complet. Jusqu’à une dizaine de tentes ont été observées certains soirs sur la pointe des Poulains, à l’extrémité nord-ouest, souvent la première étape. Les particuliers sont nombreux à être sollicités pour mettre à disposition leur jardin, parfois leur douche. «Lorsque l’on accepte une fois, le message est transmis sur les réseaux sociaux, et une ribambelle d’autres marcheurs vient toquer à notre porte que nous nous retrouvons contraints de fermer, sauf bien sûr pour des personnes en détresse», pointe Frédéric Péret, guide et accompagnateur de montagne à Belle-Île depuis 25 ans.
«J’ai croisé des campeurs qui laissaient leur tente plusieurs jours au bord du chemin, arguant qu’ils ne risquaient pas d’être contrôlés.» Avec 380 tours de l’île au compteur, il l’a vu se dégrader, ce chemin, ces mois de juillet et août : un chapelet de papier-toilette de buisson en buisson, des sacs-poubelle abandonnés près des vestiges d’un campement, les marches qui s’effondrent dans les passages difficiles, le sentier qui se creuse et s’élargit…
Face à cet afflux, les tour-opérateurs tels Chamina et Terres d’aventure ont cessé de proposer ce tour du 14 juillet au 15 août. «C’est l’un de nos best-sellers et le but reste d’offrir une belle expérience à nos clients, d’avril à septembre, en privilégiant les ailes de saison moins fréquentées, avec des hébergements disponibles», confirme Éric Balian, directeur général de Terres d’aventure.
Dans le bateau du retour vers le continent, Amanda, actuaire parisienne de 25 ans, vient de boucler en quatre jours son tour de Belle-Île en solo. «C’est un défi sportif et personnel que je me suis lancé, et j’ai constaté que j’avais le mental», confie-t-elle, tout en regardant des stories sur le tour des volcans et des lacs d’Auvergne, également en vogue. Une prochaine itinérance phare pour cette jeunesse qui a le goût de l’aventure en pleine nature ?