Via Garona, l’autre chemin de Compostelle
Ô Toulouse ! Un air de Claude Nougaro flotte sur la ville rose, point de départ de la Via Garona. Cet itinéraire pédestre de 170 km, labellisé GR®861 en 2017, peut se parcourir en sept étapes au départ de Toulouse : Muret, Noé, Rieux-Volvestre, Martres-Tolosane, Castillon-de-Saint-Martory, Saint-Gaudens et Saint-Bertrand-de-Comminges. C’est à un érudit et marcheur aguerri, Jean-Marc Souchon, que l’on doit la renaissance de ce sentier. En fouillant les archives, ce dernier a découvert qu’arrivés à Toulouse, une partie des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle avaient coutume de remonter la vallée de la Garonne plutôt que d’emprunter la traditionnelle Via Tolosana qui va vers Auch. Coup de chance pour les randonneurs et pèlerins du XXIe siècle : la Via Garona c’est le seul chemin de Saint-Jacques où l’on marche en faisant face aux Pyrénées !
Depuis la basilique Saint-Sernin-de-Toulouse, l’itinéraire remonte le cours du fleuve en traversant une ville rose assez verte : la prairie des Filtres, l’île du Ramier et son Central Park à la toulousaine… Au Parc du Confluent, l’Ariège rencontre la Garonne. Milans noirs, aigles bottés survolent les saules blancs et les aulnes… Bientôt, voilà l’église de Muret, typique du gothique méridional. C’est ici qu’en 1213, Simon de Montfort, alors en croisade contre les Albigeois, a vaincu le comte de Toulouse et son allié le roi d’Aragon. Cette victoire française marquera la naissance des Pyrénées comme frontière politique.
Rieux-Volvestre et sa surprenante cathédrale
Après Muret, le chemin prend de la hauteur. La chapelle romane Saint-Amans, dotée d’un clocher-mur trapu, domine la vallée. D’autres clochers s’égrènent au fil des kilomètres : Montaut, Noé et l’ancienne bastide de Carbonne sur son éperon rocheux. Nous voici dans le Volvestre, un joli territoire de rivières et de collines rebondies. À 10 km de là, Rieux-Volvestre semble tout droit sortie du Moyen-Âge. La rivière Arize s’enroule autour de la cathédrale en brique. Parfaitement, une cathédrale ! Le pape Jean XXII avait fait de Rieux un diocèse. Il faut se perdre dans les ruelles pavées, jalonnées de maisons de brique à pans de bois et regarder les peupliers frissonner au bord de la rivière. Au-dessus du village, les labours font des vagues brunes parmi les terreforts. Les sommets enneigés des Pyrénées font une farandole digne d’un dessin d’enfant.
Dans l’église de Cazères, une statue de Saint-Jacques avec son bourdon nous rappelle que l’on marche bien sur les traces des pèlerins du Moyen-Âge. Cazères continue d’ailleurs de célébrer Saint-Jacques chaque 25 juillet. On atteint bientôt Martres-Tolosane, superbe bastide et « cité de la faïence ». Plusieurs ateliers-boutiques perpétuent une tradition qui a connu son âge d’or aux XVIIIe et XIXe siècles. L’ancien presbytère a été transformé en salle d’exposition d’art contemporain par le céramiste Sylvian Meschia, qui truffe ses poteries de coquilles Saint-Jacques. Au passage, jetez un œil à son étonnant jardin d’artiste… Tout le charme du Midi Toulousain se concentre dans le cœur du village : vieille halle en bois, église en brique rose, anciens remparts, maisons à colombage…
De Montpezat à Saint-Gaudens
La Garonne se fait plus sauvage tandis que les Pyrénées se rapprochent. Pause panoramique au château (privé) de Montpezat, juché sur son éperon rocheux : 200 kilomètres de sommets s’étirent à l’horizon. Le parcours vallonné est de toute beauté. À Saint-Martory, faîtes un saut à la Verbothèque de Dick Annegarn. Le chanteur, installé non loin, a imaginé un lieu dédié à la littérature orale. À son initiative, un festival réunit chaque année à Laffite-Toupière quelques célébrités (M, Vincent Delerm, Matthieu Chedid, Art Mengo) autour de la transmission des mots.
La découverte des ruines champêtres de l’abbaye de Bonnefont est un temps fort de la randonnée. Fondée en 1136, démantelée à la Révolution, cette abbaye cistercienne a vu ses éléments dispersés à tous les vents, et jusqu’au musée des cloîtres de New York. Son beau cloître a été remonté à Saint-Gaudens : tant mieux, c’est sur le chemin ! Située au pied des Pyrénées, face au pic de Cagire, Saint-Gaudens vaut surtout la visite pour sa collégiale romane, calquée sur le modèle de Saint-Sernin, à Toulouse. Ses chapiteaux historiés, qui rappellent ceux de la cathédrale aragonaise de Jaca (Espagne) nous ramènent sur le chemin de Saint-Jacques, mais de l’autre côté des Pyrénées, cette fois.
Notre-Dame de Saint-Bertrand-de-Comminges, comme un but
La Via Garona a gardé le meilleur pour la fin. La dernière étape nous conduit à l’église Saint-Just-de-Valcabrère, joyau de l’art roman classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des chemins de Compostelle. Pour qui douterait encore qu’on se trouve sur un chemin jacquaire, on a mis au jour ici des coquilles Saint-Jacques, des pièces de monnaie d’Aragon et des viroles de bâton. Derrière l’église, la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges apparaît sur son éperon rocheux, sur fond de sommets enneigés. Magnifique… Encore un petit kilomètre et on atteint le point d’arrivée : Notre-Dame de Saint-Bertrand-de-Comminges. Bâtie vers l’an 1100 par Saint Bertrand, évêque de Comminges, l’édifice attirait les foules venues vénérer les précieuses reliques du saint fondateur. Au point que le pape Clément V dut agrandir la cathédrale. C’est aujourd’hui une merveille dont on découvre les trésors, ébahi : le jubé en bois sculpté, l’orgue Renaissance, les stalles ornées de miséricordes, le mausolée de saint Bertrand. Dans le cloître roman, on peut enfin se poser un moment et jouir de la vue majestueuse sur le pic du Gar, le pic d’Aneto et le reste de la chaîne pyrénéenne.
PRATIQUE
On ne rencontre aucune difficulté majeure sur la Via Garona. L’itinéraire, en ligne, est assez plat (les dénivelés restent raisonnables : +2171 m/-1813 m) et bien balisé (rouge et blanc). Une randonnée idéale pour bons marcheurs et débutants, à faire de préférence en mai, juin, juillet, août, septembre et octobre.
À EMPORTER
Le topoguide de la Via Garona via le site de la Fédération Française de Randonnée.