La grande odyssée de Sylvain Tesson, dans le sillage d’Ulysse
GRAND REPORTAGE – L’écrivain voyageur est parti pour Arte de la Turquie à la Sardaigne. Embarquement sur ces eaux de la Méditerranée qui ont vu naître un mythe fondateur de notre civilisation.
Par Sylvain Tesson (texte) et Thomas Goisque (photos)
La nuit tombe sur la mer Tyrrhénienne. Ciel d’encre, mer en soie. Notre ketch (grand mât plus haut que le mât d’artimon) porte modestement le nom d’un pharaon, prophète d’un très ancien monothéisme: Akhenaton. Au moteur, il file gentiment ses huit nœuds, cap au 180° vers le Stromboli. Le volcan, plus noir que la nuit, se découpe encore sur l’horizon. «On y sera à l’aube», dit le capitaine. Soudain, la mer s’illumine. Notre coque a fendu un banc de méduses pélagiques. Par un phénomène physiologique connu sous le terme de bioluminescence, ces créatures s’électrisent au moindre contact. Et c’est ainsi que nous traversons la nuit magique. Le volcan éructe ses fusées de lave. La Voie lactée verse sa clarté. La mer phosphore. La nuit devient l’opéra fabuleux rimbaldien. Le second du bateau, ancien parachutiste, se souvient du Bateau ivre: «Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir!» Ainsi de la mer: une fabrique de visions! C’est l’exacte