l’avenir bien sombre de Wikie et Keijo, les orques du Marineland
Le parc aquatique d’Antibes a fermé ses portes le 5 janvier. Mais que faire des cétacés habitués à la main de l’homme ? Comme pour les cirques, le manque de places en refuges et sanctuaires inquiète les associations.
À l’horizon 2026 et 2028, les parcs aquatiques et cirques itinérants français devront se séparer de leurs animaux sauvages. L’échéance est proche, et pourtant le sort des anciens pensionnaires est tout sauf tranché. « En 2021, notre priorité était d’abolir certaines pratiques, pas d’assurer un avenir aux pensionnaires », admet Loïc Dombreval, ancien député, vétérinaire et rapporteur de la loi contre la maltraitance animale. Deux noms sont devenus le symbole de l’impasse : Wikie et Keijo. Un mois après la fermeture du Marineland, aucune solution d’accueil n’a été trouvée pour les deux orques, mère et fils nés en captivité en 2001 et 2013.
À lire aussi
Du Marineland au safari : voyager pour voir des animaux, oui mais à quel prix ?
L’idée, défendue par le parc, d’un placement dans un delphinarium de Kobe, au Japon, a vite été balayée par les autorités françaises, en raison de normes concernant le bien-être animal jugées insuffisantes. Les associations plaidaient depuis pour le transfert des deux cétacés dans un sanctuaire en Nouvelle-Écosse, au Canada, où ils vivraient en semi-liberté. Las, à en croire un communiqué publié fin janvier par Peta, cette option a fait long feu. Selon plusieurs sources interrogées se dessine le scénario redouté d’un autre parc aquatique, le Loro Parque, à Tenerife, où leurs conditions de vie seraient peu ou prou les mêmes qu’à Antibes. «Si on fait ça, on les envoie à la mort», tranche Muriel Arnal, présidente de l’association de protection animale One Voice.
Leurs bassins feront un mètre de plus. Quelle différence ? Les orques ont besoin d’énormément d’espace
Pierre Robert De Latour, fondateur d’Orques sans frontières
«Leurs bassins feront un mètre de plus. Quelle différence ? Ce sont des animaux qui ont besoin d’énormément d’espace. Même les fjords, où ils se rendent en hiver pour se nourrir, sont trop petits pour eux», estime le spécialiste français Pierre Robert de Latour, fondateur de l’association Orques sans frontières. Pour lui, la loi aurait dû anticiper cette question et demander au Marineland d’assurer le futur de leurs pensionnaires. «Les relâcher dans un sanctuaire en semi-liberté : c’est possible, cela a été fait pour Keiko, l’orque de Sauvez Willy. Elle a pu finir sa vie dans son milieu naturel en Islande» Loïc Dombreval abonde : «On pourrait tenter le coup mais on se protège pour ne pas prendre de risques. D’autant que remettre une orque en liberté c’est des mois, des années de travail.»
Pas de place, ou du moins pas assez : le problème est le même du côté des cirques. Dans la foulée de la loi, le gouvernement a multiplié les appels à la création de nouveaux refuges. Mais, selon l’association Quatre pattes, cela ne va pas assez vite : 530 animaux, dont 308 fauves, 6 éléphants et 3 ours vivaient encore en captivité en 2023. «Certains circassiens ont anticipé la loi et ont commencé à placer leurs animaux. D’autres ont été saisis pour maltraitance», explique Nikita Bachelard, responsable du pôle programmes pour l’association, citant le cas heureux de trois lionnes, transférées avec succès en Afrique du Sud.
Pour les autres, si aucune solution n’est trouvée d’ici à 2028, les circassiens auront le droit de les garder avec eux. « Or, s’ils s’établissent à un endroit avec leurs fauves, la structure devient légalement un zoo. Le risque ? Voir éclore des sous-parcs zoologiques, avec peu de règles et des conditions de vie encore pires », redoute Loïc Dombreval. Le serpent qui se mord la queue, en somme.
Reste que des Wikie et des Keigo, il n’y en aura plus en France. Comme le prévoit la loi, les parcs aquatiques, comme les cirques, n’ont plus le droit d’acquérir de nouveaux animaux.