Récit de voyage : en bateau
Découvrez et devinez au fil de la lecture la destination de ce récit de voyage proposé par Marie.
Esprit Libre est une agence de voyages sur-mesure située à Lyon dans le Quartier de Monplaisir. Nous proposons à nos voyageurs de prendre leur plume (ou plutôt leur clavier ?) pour partager leurs récits de voyage sur notre blog et newsletter du mois.
« Pour ce voyage, tant attendu, je mets le paquet : j’ai choisi la formule « de luxe » parce que il n’est pas question de rater cette découverte. Pour moi, ce sera dans un petit bateau traditionnel, tout de bois, aux planches qui craquent. Deux cabines et l’équipage.
Alleluia, Dieu existe, la touriste qui devait partager mon bateau n’est pas là. Je n’ai pas très bien compris pourquoi et comment et dans le fond ça m’est tout à fait égal. Je pense tout de même à prendre un petit air désolé qui est accueilli avec le sourire du capitaine. Nous prenons la mer, laissant derrière nous des navires, des gens, des sacs, des cris stridents et des rires, des travailleurs, ceux qui charrient des ballots, des caisses et des cordes, ou ceux qui proposent sans relâche « Motorbike madame ! Motorbike madame » auxquels je réponds invariablement par des « non, non, non merci, j’adore marcher. »
Il faudrait traverser le Viet Nam de motorbike en motorbike et cette foule resterait assoiffée de travail, de ces tout petits salaires que nous consentons, parfois.
L’équipage et moi avons compris qu’il était inutile de tenter de longues conversations. Nos compétences linguistiques sont remisées. Regards, sourires, gestes ébauchés suffiront. Nous nous débrouillons comme des chefs.
Le bateau semble glisser par magie sur l’eau verte. Je suis installée à la proue sans avoir négocié ma place, risqué de la perdre à cause de ces règles de politesse qui laissent souvent un perdant. Non, je me pose en plein milieu, au meilleur endroit. Et je contemple. Enfin ! Je contemple la baie d’Halong. Immédiatement, c’est le silence qui s’impose et les blocs de granit qui semblent avoir été plantés là par un géant artiste. Ils portent l’histoire du monde et me dis-je aussi des mystères, des fées, des pouvoirs. Mon bateau chante, mes pensées voguent. Je peux fermer les yeux et sentir les rayons faibles du soleil. Je peux les ouvrir et scruter l’eau, l’interroger puis la laisser tranquille. Je peux ouvrir mon livre. Ou le laisser fermé. Personne ne commente la vue, le paysage. Personne ne s’extasie avec des Ho, des Ha. Seulement mon corps.
Le capitaine me propose de monter dans une barcasse peu avenante, bien locale, un peu trop vieille peut-être ? Me trouvant sans doute un peu molle, il me pousse dans le dos, m’installe, rame jusqu’à la minuscule plage qui s’accroche à un rocher immense et planté d’arbres émeraude. Il me dépose et s’éloigne. Je n’ai pas très bien compris. Je le regarde partir, étonnée, et puis je l’oublie.
Mes pieds dessinent des traces dans le sable. Tout en me traitant d’idiote, je m’imagine que ce sont les premières empreintes humaines que cette plage ait reçues depuis la nuit des temps. Prisonnière de cette langue de terre minuscule et aride, je m’assois par terre. Je bouge les orteils pour sentir les grains de granit, je hume le temps qui coule, j’écoute l’air, je remercie le vent qui caresse ma peau. »