les réponses des experts à nos lecteurs


Le coronavirus contrarie tous les plans de vacances. En attendant le déconfinement et les perspectives du gouvernement pour la saison d’été 2020, difficile pour les Français de planifier un prochain départ. D’autant que la gestion des billets d’avion, de train, des séjours et week-ends ou des hébergements déjà réservés en France ou à l’étranger vire au casse-tête : demande de remboursement, avoirs proposés par les professionnels (hors transport «sec») pour les voyages réservés entre le 1er mars et le 15 septembre, dans le cadre d’un nouveau régime juridique…

Pour le seul mois d’avril, plus de 350 000 Français renoncent à un séjour souscrit auprès d’un voyagiste. Et tous ceux qui avaient anticipé les ponts de mai et les mois de juillet août tentent d’y voir plus clair. Dans ce contexte, de nombreux lecteurs adressent au Figaro leurs questions. La rédaction interroge les professionnels les plus qualifiés et publie au fur et à mesure leurs réponses.

  • «Sert-il à quelque chose de s’enregistrer sur un vol afin de percevoir un remboursement ou un bon d’achat ? Alors que nous savons pertinemment que notre vol prévu fin avril sera annulé.» Question de Laurine Deroy

La réponse d’Emmanuelle Llop, avocate spécialiste en droit du tourisme, de l’aérien et du loisir au cabinet Equinoxe: «Oui, vous devriez plutôt vous enregistrer. Il est préférable de le faire tant que le vol est maintenu et que le passager n’a pas reçu de nouvelles de la compagnie, de manière à ne pas être à l’origine de l’annulation. Les droits des passagers sont considérés la plupart du temps lorsqu’ils peuvent démontrer qu’ils étaient enregistrés sur le vol. Selon la réglementation européenne (Règlement 261/2004 du 11 février 2004 ; article 8.1), le transporteur doit automatiquement rembourser en numéraire le vol qu’il annule, même en raison de circonstances extraordinaires comme l’épidémie. Ce n’est qu’avec l’accord du passager qu’un avoir pourra lui être octroyé, selon des dates convenues ensemble.»

  • «Nous avons réservé un voyage à Dubaï pour les vacances de Pâques via une agence de voyages en ligne. Ils nous ont proposé un avoir. Pouvons-nous légalement demander plutôt le remboursement intégral du voyage ?» Question de Camille Torriero

La réponse d’Emmanuelle Llop, avocate spécialiste en droit du tourisme, de l’aérien et du loisir au cabinet Equinoxe: «Non, vous ne le pouvez pas. En temps normal, si une agence de voyages ou un voyageur annule un voyage pour cause de force majeure (on parle de « circonstances exceptionnelles et inévitables » dans le Code du Tourisme), le voyageur doit recevoir le remboursement intégral des sommes qu’il a versées, sans aucun frais. Depuis le 25 mars 2020, une ordonnance dérogatoire a été publiée, avec effet rétroactif au 1er mars et jusqu’au 15 septembre 2020, qui autorise le professionnel à proposer au client dont le voyage est annulé à cause de l’épidémie, au lieu d’un remboursement intégral, un avoir correspondant aux sommes versées.

Cet avoir peut être alors utilisé pour mettre en place un nouveau voyage via une nouvelle proposition, que le professionnel doit formuler dans les trois mois suivant l’annulation. Cette nouvelle proposition reste valable pendant 18 mois, et peut évoluer bien entendu. Le voyageur ne peut pas refuser le système de l’avoir et, s’il ne peut accepter un voyage de remplacement à une date ultérieure, il devra attendre l’expiration de la période de 18 mois pour être remboursé. Son avoir est également protégé par la garantie financière du professionnel, si malheureusement il était en défaillance financière à ce moment-là.»

  • «Je dispose d’un billet d’avion aller-retour pour cet été. Si le vol aller est annulé mais que le vol retour est maintenu (ou inversement), quels sont mes recours ? La compagnie doit-elle rembourser l’intégralité ou seulement la partie annulée, ou doit-elle me placer sans frais sur d’autres vols ? » Question anonyme

La réponse de Baptiste Lo-Presti, responsable juridique chez Air Indemnité : « Chaque vol doit être appréhendé de manière indépendante : si l’annulation ne touche que le vol aller, la compagnie aérienne ne sera tenue de rembourser que la partie du billet correspondant à ce vol aller. Pour votre vol retour, la compagnie pourra vous proposer des solutions à titre commercial (report de vol, avoir…) mais n’a aucune obligation. Au vu du contexte actuel, il y a toutefois de fortes chances pour que votre vol retour soit lui aussi annulé dans les jours à venir, vous ouvrant ainsi droit à un remboursement intégral. »

  • «Nous avons réservé une maison à l’île de Ré sur un site web local auprès d’un particulier pour une semaine en avril. Un contrat avec versement de 300 euros d’arrhes a été établi, et les arrhes payées. Le 20 mars, confinés, nous avons tenté un dialogue (car la SNCF avait annulé nos trains) avec la propriétaire, sans succès. La SNCF a remboursé nos billets. La propriétaire nous a proposé de garder nos arrhes comme avoir pour une future location. Le 4 avril, le préfet de Charente-Maritime a interdit les locations de vacances sur l’île. Nous avons ensuite demandé par écrit la simple restitution des arrhes. Elle nous a exprimé des difficultés financières pour le faire, tout en acceptant le principe. Depuis, nous ne sommes pas parvenus à rétablir le dialogue. N’y-a-t-il pas cas de force majeure ? Que pouvons-nous faire ? » Question de Michel Perrin

La réponse de Raphaël Bartlomé, directeur juridique de l’UFC-Que Choisir: «La réglementation issue de l’ordonnance du 25 mars 2020 permet à la propriétaire du logement de vacances de vous rembourser en argent ou de vous fournir un « avoir » valable 18 mois, utilisable pour une prochaine location auprès d’elle. Dans ce second cas, vous ne pourrez obtenir le remboursement du montant de l’avoir qu’au terme de cette durée. Cette alternative exceptionnelle et temporaire, offerte aux professionnels du tourisme et propriétaires de locations de vacances, doit leur permettre d’éviter d’éventuelles difficultés financières.

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Face aux explications de la propriétaire, proposez-lui, par exemple, d’échelonner le remboursement ou de formaliser l’avoir. Elle doit vous informer par écrit du montant de cet avoir, ainsi que de ses conditions d’utilisation et sa durée de validité. Un e-mail suffirait. Mais, malgré les demandes de l’UFC Que Choisir, cet avoir ne bénéficie pas d’une garantie financière. En d’autres termes, si la propriétaire devient insolvable, il sera compliqué d’obtenir votre dû. »

  • «Nous avons réservé un voyage all inclusive à Rhodes (Grèce) avec un départ de Bordeaux en juillet. Vu la situation, nous aimerions pouvoir le reporter à l’été 2021. J’ai appelé à deux reprises le voyagiste qui me dit que nous devons attendre et qu’un report ne sera possible que s’il y a encore confinement à cette date ou si le gouvernement interdit la sortie du territoire. L’annulation ou le report ne semble donc pouvoir venir que du tour-opérateur. Celui-ci est-il dans son droit ? N’avons nous aucune possibilité d’annuler ou reporter par nous-mêmes?» Question de Vanessa Frappier

La réponse de Khalid El-Wardi, secrétaire général du Médiateur tourisme et voyage : « Le dispositif des avoirs-reports est soumis à la condition que l’annulation soit consécutive à des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, et qui ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat. Si, au moment de la demande, ces conditions ne sont pas remplies (ouverture des frontières, possibilité de voyager…), le dispositif ne sera pas applicable. »

La réponse de Guillaume Beurdeley, responsable juridique des Entreprises du Voyage : « La demande de report du voyage peut être formulée par le professionnel ou par le client. Cependant, une demande de report sans frais du séjour n’est possible qu’en présence de « circonstances exceptionnelles et inévitables » ayant des conséquences importantes sur le déroulement du séjour ou à proximité immédiate de celui-ci. À ce stade et dans l’attente de précisions qui devront être apportées par le gouvernement, personne ne peut dire si votre séjour pourra oui ou non avoir lieu dans des conditions normales. Parallèlement, les vols, hôtels et autres services réservés auprès de votre agence de voyages sont sécurisés.

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La décision de sagesse est de patienter. Attendre, c’est ne prendre aucun risque : si le séjour peut avoir lieu dans des conditions normales, vous partirez comme prévu; si le séjour doit être déprogrammé, votre agence de voyages vous avertira dans les meilleurs délais et vous proposera un avoir ainsi qu’une nouvelle proposition de séjour.

En procédant ainsi, vous êtes protégé dans tous les cas et évitez de payer des frais d’annulation. Par ailleurs, il est important de préciser que l’avoir transmis par l’agence est garanti dès lors qu’il porte sur un forfait (vol + hôtel) ou un autre service touristique qui n’est pas un transport sec. Même en cas de faillite de votre agence, vous pourrez partir en vacances ou serez remboursé. »

  • «Serait-il envisageable que les compagnies aériennes ne remplissent leurs avions qu’à moitié pour pouvoir respecter les distances de sécurité tout en reprenant leurs activités ?» Question de sofswing07

La réponse de notre journaliste François Delétraz, spécialiste des transports, sur Figaro Live

La réponse d’easyJet : « Nous étudions actuellement toutes les mesures sanitaires susceptibles de protéger au mieux nos clients et nos employés lorsque nous reprendrons nos vols commerciaux, en s’appuyant sur nos discussions avec l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) et sur différents avis médicaux. Seule la possibilité de ne pas vendre le siège du milieu à bord, au redémarrage des activités, a été évoquée par notre CEO Johan Lundgren, afin de garantir la distanciation sociale imposée par la pandémie de Covid-19. Mais aucune mesure n’a encore été prise et les réflexions sont encore en cours. Nous serons évidemment dépendants des règles imposées, qui ne seront peut-être pas les mêmes dans les différents pays européens. »

Nul ne sait ce que sera la situation dans trois mois et la simple frayeur ne suffit pas à justifier une annulation sans frais.

Emmanuelle Llop, avocate spécialiste en droit du tourisme, de l’aérien et du loisir au cabinet Equinoxe.

  • «J’ai réservé auprès d’une agence de voyages un séjour à forfait (vol + transferts + hôtel pour 4 personnes) pour passer une semaine en août 2020 à Saint-Pétersbourg. Nous souhaitons annuler ce voyage. Aujourd’hui, l’agence de voyage me dit que les vols ne sont pour l’instant pas annulés par la compagnie aérienne. Si nous annulons le voyage, le montant des vols ne peut être ni remboursé ni compensé par un avoir. Seule une partie des taxes pourrait être remboursée. Or, l’ordonnance du 25 mars 2020 donne la possibilité de recevoir un avoir valable 18 mois et qui doit correspondre à l’intégralité des paiements effectués (dans mon cas un acompte de 50 % du voyage). Qu’en est-il de la position de l’agence de voyage ? Puis-je annuler ce voyage dès maintenant et exiger un avoir correspondant à la totalité de l’acompte versé ?» Question de Micheline Jannin

La réponse d’Emmanuelle Llop, avocate spécialiste en droit du tourisme, de l’aérien et du loisir au cabinet Equinoxe: « Dans le cadre du système mis en place par l’Ordonnance du 25 mars, vous ne pouvez pas « exiger » un avoir : il appartient au professionnel d’apprécier si votre annulation entre dans les définitions légales et donc, de vous proposer cet avoir ou de considérer que votre annulation génère des frais.

En effet, dans la mesure où l’annulation que le client est libre de signifier à son agence, entre le 1er mars et le 15 septembre 2020, doit être justifiée par une situation liée au Covid-19 à destination ou à proximité ayant des conséquences importantes sur son contrat de voyage ou sur son transport vers la destination, l’agence de voyage peut estimer qu’il est trop tôt pour annuler un séjour au mois d’août prochain. Car nul ne sait ce que sera la situation dans trois mois et la simple frayeur ne suffit pas à justifier une annulation sans frais. Pour cette période, les vols sont ouverts, les hôtels également, et le professionnel peut donc décider d’enregistrer l’annulation précoce du client mais en lui appliquant les frais prévus dans le contrat. La meilleure chose à faire est de patienter jusqu’à environ un mois du départ, pour que les informations à propos de la situation à destination soient plus claires. »

  • «Quelles vacances au camping cette année : sans piscine, sans restaurant, sans club enfant ?» Question anonyme

La réponse de Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA) : « Il faut s’attendre à un été très particulier, qui ne ressemblera à rien de ce que nous avons pu connaître, mais les campings sont pleinement mobilisés pour permettre aux Français de pouvoir envisager des vacances avec, malgré tout, des loisirs. La question des piscines et des clubs enfants est effectivement centrale et nous y avons réfléchi et soumis des propositions au gouvernement qui va trancher. Ce que nous avons pu déterminer avec les spécialistes c’est que l’ouverture des piscines découvertes serait “compatible” avec le virus car le chlore tue le virus et les bactéries. Mais attention, les règles de distanciation sociales devraient être respectées. La question des piscines couvertes ou des espaces clos type spas, en revanche est beaucoup plus compliquée et nous laisse peu de perspectives à ce stade.

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Concernant les clubs enfants, les animateurs travaillent déjà sur des programmes d’animations possibles, compatibles avec de nouvelles règles sanitaires. »

  • «Si l’on ne peut pas partir à l’étranger et que les voyageurs se replient vers un tourisme plus local, y a-t-il un risque de flambée des prix en France cet été ?» Question anonyme

La réponse de Didier Arino, directeur général associé du cabinet Protourisme : «Le risque de flambée des prix est peu probable car le tourisme répond aux règles de l’offre et de la demande. Or, les 17 millions d’étrangers qui étaient venus en France l’année dernière ne seront pas ou peu présents et ne seront pas compensés par les 9 millions de Français partis à l’étranger l’an passé. 80% d’entre eux ont d’ores et déjà décidé de rester dans l’Hexagone. Par ailleurs, nombreux sont nos concitoyens qui envisagent de ne pas partir en vacances cet été.»

«Nous avons réservé une croisière Costa pour la dernière semaine d’août, pouvons-nous être remboursés ?» Question de Julie Bendjama Segond

La réponse de Georges Azouze, président de Costa Croisières: « Pour le moment, Costa a annoncé uniquement l’annulation des croisières jusqu’au 30 mai 2020. Les croisières prévues pour cet été sont actuellement maintenues. Costa se conforme évidemment aux dispositions mises en place par les différents gouvernements et si de nouvelles annulations devaient avoir lieu, elles se feraient aux conditions actuellement prévues dans le cadre de l’ordonnance de mars 2020. En revanche, si le client souhaite annuler, ce sera à son agence de voyages de lui déterminer les modalités du remboursement : soit par un avoir dans le cadre de l’ordonnance, ou remboursement avec application des frais d’annulation du contrat. »

Merci à nos experts:

Emmanuelle Llop, avocate spécialiste en droit du tourisme, de l’aérien et du loisir au cabinet Equinoxe

Baptiste Lo-Presti, responsable juridique chez Air Indemnité

Khalid El-Wardi, secrétaire général du médiateur tourisme et voyage

Guillaume Beurdeley, Responsable Juridique les Entreprises du Voyage

Raphael Bartlomé, directeur juridique de l’UFC – Que choisir

Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air

Didier Arino, directeur général associé de Protourisme, cabinet spécialisé dans les études et le conseil



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